Jacques Peyréga, témoin du meurtre d’un civil algérien par un soldat français, dénonce cette exécution sommaire
Les collections de l'Histoire (n° 15 avril 2002) : la guerre d'Algérie , 1957 la campagne des intellectuels
Le 21 janvier 1957, Jacques Peyréga croise dans une ruelle d'Alger (la rue des Chevaliers de Malte) un homme algérien qui s'enfuit en courant. Quelques instants plus tard, un parachutiste français qui le poursuit, l'abat d'un tir de mitraillette dans le dos, sous les yeux de Jacques. Après avoir pointé son arme sur Jacques, le soldat aurait remarqué son costume et son « col dur », signe extérieur de son rang social, et aurait pris la fuite devant Jacques, qui lui reprochait son acte.
Le 18 mars 1957, après avoir, selon des proches, gardé le silence sur ce drame qui l'a bouleversé, Jacques Peyréga écrit une lettre adressée au Ministre de la Défense Nationale, Maurice Bourges Maunoury qui devait devenir en juin de la même année Président du Conseil (équivalent, sous la IVèmeRépublique, du Premier Ministre). Cette lettre, qui dénonce l'acte dont il a été témoin comme une exécution sommaire, aura un grand retentissement après que France Observateur, puis le Monde l'eurent publiée, à l'issue d'une "fuite" . Jacques sera alors soutenu par les uns, et dénoncé par les autres, comme tous ces intellectuels de l'époque qui osèrent dénoncer les exactions de l'armée française en Algérie. Le ministre qualifia ces faits d'exceptionnels. Une enquête militaire sur le meurtre dont Jacques avait été témoin fut ouverte à Alger, mais elle fut classée sans suite.
A Alger, « l'affaire Peyréga » fit de grands remous : doyen de la Faculté de Droit, Jacques fut vilipendé par des collègues Professeurs et par des associations d'étudiants proches de l'OAS. Jacques et Simone furent obligés de quitter Alger précipitamment juin 1957, sous la menace de l'OAS.
Simone racontait qu'au moment où leur voiture s'approchait du port d'Alger, où ils devaient embarquer pour la France, quelqu'un avait ouvert la porte arrière et arraché le berceau de Catherine, qui se trouvait sur la banquette. Heureusement le bébé, âgé d'un an, était dans les bras de sa maman, sur le siège avant. Jacques revient seul à Alger, en septembre 1957 pour tenter de reprendre son poste, mais il est contraint de repartir, à cause des manifestations organisées contre lui à la Faculté.
Le retour en France, dans ces conditions, fut difficile et douloureux : la famille Peyréga s'installa provisoirement dans la demeure familiale d'Aubiet dans le Gers, et Jacques reprit le chemin de la Faculté de Bordeaux, où il retrouva momentanément sa chaire de Sciences Economiques. Comment fut-il accueilli dans cette Faculté conservatrice, lui qui était désormais connu pour sa dénonciation des méthodes de l'armée en Algérie ? Nous l'ignorons, mais sans aucun doute, ce fut une sorte de traversée du désert pour Jacques et Simone.
France soir Avril 1957 évoque la lettre écrite par Jacques Peyréga :