Jacques Peyréga Souvenir

De Fort de France au grenier d’Aubiet

De retour d'Algérie en 1957, Jacques se sent sans doute « en exil » à Bordeaux où il a retrouvé sa chaire de Professeur. Il y est « personna non grata » pour la plupart de ses collègues,  qui n'accueillent pas à bras ouverts le Doyen de la Faculté de droit d'Alger, banni pour avoir dévoilé et critiqué les exactions de l'armée française en pays colonisé.

C'est donc assez vite que Jacques envisage de reparti : la Faculté de Droit de Bordeaux ayant une annexe en Martinique, il part (dès 1958, ou plus tard ?) pour diriger à Fort de France l'institut Vizioz, spécialisé dans les études en Droit et Economie.

C'est une période heureuse pour Jacques ? Simone et Catherine, alors âgée de deux ans. Le carnaval antillais, la visite des bananeraies et des rhumeries, les bains dans une mer paradisiaque, le mont Diamant … font oublier les drames vécus au départ d'Alger.

Mais le naturel revient au galop ! Jacques repart en croisade contre les injustices et pour les libertés : les Antilles sont à cette époque dans l'effervescence des mouvements indépendantistes. Frantz fanon, Aimé Césaire en sont les leaders et peut être Jacques les rencontre-t-il ?. Toujours est-il qu'il prend parti pour les mouvements politiques qui demandent, sinon l'indépendance, du moins l'autonomie pour les Antilles françaises.  Nous connaissons peu les détails de cette période. Simone aimait à raconter qu'à l'occasion de la venue du Général de Gaulle, il avait fallu mettre à sa disposition le grand lit à baldaquin dans lequel dormaient Jacques et elle-même à l'institut Vizioz, car c'était, parait il, le seul assez long pour accueillir le grandissime Général ! Mais Jacques  se fait de nouveau remarquer pour ses prises de position anticolonialistes et humanistes, qui ne sont pas « dans la ligne » de celles qu'aurait dû prendre à l'époque, un Professeur d'Université…

Jacques, Simone et Catherine quittent donc la Martinique, dans des circonstances que nous ne connaissons pas, en 1960 ou 1961, pour revenir en France. Jacques retrouve provisoirement, Bordeaux, où sa chaire de Professeur l'attend à chaque retour au bercail. La famille retrouve Roland, le fils de Simone, resté à Pontault Combault, en Seine et Marne : Jacques y a acheté une petite bicoque, sur un grand terrain , qu'il a embelli et agrandi de deux ailes tout en bois et baies vitrées, : tout cela a été conçu et réalisé par lui, a l'aide et tout le savoir faire de menuisier de Roland. Jacques a mis en œuvre à  Pontault Combault des talents inattendus d'architecte, de plombier, d'électricien, de couvreur  …et formé avec Roland un tandem virtuose de la construction en bois ! Jacques avait dû  choisir cette maison à l'origine sans charme particulier parce qu'elle avait un grand hangar équipé en menuiserie moderne : machine à bois, scieuse, raboteuse. L'idée était de permettre à Roland de s'y investir et de développer une petite affaire pendant que Jacques et Simone seraient en Martinique. Roland devait gagner en autonomie et mettre en valeur ses talents de menuisier. Mais ce projet ne  fut pas judicieux : Roland resté seul en France, ne supporta pas la séparation ni la responsabilité que représentait cette menuiserie et il tomba malade, obligeant Simone à revenir de Fort de France en urgence pour le faire soigner.

Réunie, toute la famille s'installe à Aubiet, dans le Gers, dans la maison familiale. et Jacques reprend pour un temps les aller retour sur Bordeaux pour y assurer ses cours.  A Aubiet, une nouvelle fois, Jacques fait preuve d'un esprit innovant voire avant-gardiste pour  rendre habitable la maison ancestrale qui n'avait jusque là été ouverte que pour  les vacances d'été ou de courts séjours. :: avec Roland, il aménage le vaste grenier en un véritable appartement équipé du confort moderne que représentait, à l'époque, une vraie salle de bains et une cuisine équipée : le grenier d'Aubiet qui abrita la famille à chacun de ses retours en France était en 1960 une idée avant-gardiste, qui préfigurait les aménagements de combles si répandus aujourd'hui. Une fois de plus, Jacques prouve qu'il n'est pas seulement un brillant intellectuel et qu'il excelle aussi dans les travaux manuels. Avant de repartir pour l'Algérie devenue indépendante, qui va faire appel à lui, Jacques renoue avec la vie au village : il est apprécié des Aubiétains qui gardent le souvenir de sa simplicité, de son tempérament jovial et sociable, de sa facilité à nouer les contacts, faisant oublier à tous qu'il est professeur émérite d'Université.

 

 

 

 

L'Institut Vizioz à Fort de France

 

 

Sur la terrasse à Fort de France

 

 

Scène de pêche en Martinique

 

 

 

Devant la maison d'Aubiet, Gers

 

 



03/10/2008
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